Peut-on parler politique à un premier rendez-vous ?
Il ne vous aura peut-être pas échappé que la période est riche en actualités et débats politiques. Mais par « la période », je ne parle pas simplement de la campagne présidentielle.
Depuis quelques années déjà, l’importance et la polarisation des débats enflent dans la société… Et compte tenu de l’actualité internationale, cela pourrait bien durer.
Comment concilier cet aspect avec une vie de couple et, surtout, avec une recherche amoureuse… Peut-on en parler ? Quand ? Comment ? Doit-on en faire un critère de choix ? Voyons cela tout de suite.
Avant la rencontre
Quand on est célibataire et qu’on rêvasse sur sa prochaine rencontre, sur la personne idéale, son positionnement politique vient rarement en premier à l’esprit. Il paraît souvent bien moins important que d’autres aspects comme l’apparence physique, le caractère, les goûts partagés pour certaines activités. Pourtant, c’est bel et bien un critère à prendre en compte… Et pas seulement si vous êtes militant(e) convaincu(e).
Se questionner soi-même
Comme souvent, avant d’envisager une rencontre, il convient de faire un point avec soi-même. Quelle importance représente la politique pour vous ? Ou, plus exactement : à quel point vous énervent les gens de l’autre bord ?
Car c’est bien sûr là le nœud du problème. Certaines personnes voient la politique comme une dimension mineure de leur vie de tous les jours, de leur pensée, de leur philosophie de vie… Mais même dans ce cas, certaines convictions, et certaines façons de les vivre, pourraient malgré tout vous agacer.
Or le problème des valeurs, c’est que les individus ne souhaitent généralement pas transiger dessus… Par définition. Ce n’est que très rarement quelque chose qui peut se négocier.
Même si la télévision a tendance à déformer la réalité, à exagérer certains faits, à prendre les personnes les plus caricaturales pour représenter tel ou tel courant, vous savez bien quels sont les questionnements les plus prégnants du moment… Et ceux qui vous agacent particulièrement ou, pire, vous font peur. C’est cela qu’il vous faut mettre au clair vis-à-vis de vous-même.
Autrement dit, ne vous demandez pas simplement si vous pourriez avoir une histoire avec quelqu’un « de droite » ou « de gauche ». Dans l’abstrait et, là encore, à moins d’être particulièrement engagé(e) dans l’un ou l’autre de ces côtés, cela devrait paraître relativement aisé.
Mais pensez plutôt en lignes de fracture qui, d’ailleurs, divisent souvent les partis eux-mêmes : le véganisme, la place du changement climatique dans la société, la façon de gérer la laïcité du pays, la bonne manière d’assurer une égalité de fait entre hommes et femmes, les questions de genre, la gestion des impôts, des services publics, des aides sociales, des subventions, l’immigration, la Chine, la Russie, les États-Unis… L’Europe, les relations internationales…
Il est peu probable que vous n’ayez aucune opinion sur aucun de ces sujets… Et qu’aucun ne vous tienne suffisamment à cœur pour provoquer de la colère, de l’angoisse, ou de l’envie de convaincre autour de vous… Sentiments très humains, et donc très puissants, qu’il serait dangereux de négliger.
Mais point trop n’en faut
Bien sûr, je ne dis pas qu’il vous faut passer en revue chacune de ces problématiques pour savoir où vous vous situez et ce que vous accepteriez ou pas de la part d’une compagne ou d’un compagnon. Non. Simplement, vous devez déjà savoir sans même y réfléchir ce qui vous met à cran. L’important est de ne pas sous-estimer ce que cela peut donner, ensuite, dans une vie de couple.
Certes, vous n’êtes cependant pas à l’abri de certaines surprises. Par exemple, avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, on peut tout à fait imaginer un couple ne partageant pas le même point de vue sur la Russie et Vladimir Poutine mais n’ayant jamais accordé trop d’importance à cette question et n’ayant même jamais échangé à son propos.
Et tout à coup, un duo dont l’un des membres serait sur le sujet plutôt pro-Russe et l’autre plutôt pro-Ukrainien(ne), peut se voir plongé dans une situation extrêmement difficile à vivre.
On pourrait en dire autant, d’ailleurs, des polémiques qui n’existaient littéralement pas il y a encore deux-trois ans, comme la politique sanitaire, ou les vaccins. Ou d’autres, qui nous attendent peut-être, et dont nous ignorons tout.
C’est pour cela qu’il vous faut connaître, disons, vos limites. Quand ce genre d’événement arrive, il ne survient pas de nulle part. Il repose sur des dynamiques qui le précédaient. Si vous avez une vision du mode plutôt partagée, de grands ensembles de valeurs en commun, il y a peu de chances qu’éclate un tel conflit au sein de votre couple… ou que vos points communs ne surmontent pas la division, voire les crises et disputes qui pourraient surgir
En rendez-vous
Aussi est-ce important d’échanger rapidement, mais pas n’importe comment, à propos de ces sujets (pas tous, une fois de plus : ceux qui vous tiennent le plus à cœur).
Les premiers mots
Là-dessus, quelques conseils : d’abord, évitez de le faire par écrit —puisque c’est ainsi que commencent de nombreux échanges
Le texto, la messagerie ne sont vraiment pas idéals pour discuter de ces sujets : voyez à quelle vitesse le moindre propos politique, même le plus innocent, dégénère en guerre de tranchée sur Facebook, par exemple.
Ce n’est à utiliser que si vous savez vraiment que quelque chose ne passera pas de toute façon. Si vous savez que quelqu’un « de droite » ou « de gauche », ou « antivax », ou « végan », ça n’est même pas la peine d’y penser… Oui, vous pouvez aborder la question rapidement et à l’écrit : ça peut même éviter de faire perdre du temps à tout le monde.
Simplement, tâchez de rester courtois : si vous voulez refusez d’envisager une relation avec quelqu’un d’un autre bord, rappelez-vous que c’est quelque chose qui vous appartient. Que c’est pour vous qu’une telle histoire est impossible. Inutile d’en profiter pour lui faire la leçon ou chercher à le ou la convaincre. Une fois de plus, ce n’est pas le bon espace pour ça !
Les premiers « dates »
Je l’ai souvent écrit ici : un premier rendez-vous, c’est pour faire connaissance, apprendre à se connaître et surtout voir comment on se sent en présence de l’autre, si l’on apprécie sa façon d’être, de plaisanter, de penser. Pas une épreuve de drague ou un test de qualification. Aussi, non, ne mettez pas la politique comme une case à cocher parmi d’autres détails à connaître absolument… Laissez faire les choses.
Déjà, il n’est pas impossible que l’un ou l’autre parle, spontanément, de tel événement de l’actualité, et de ce qu’il ou elle ressent… Mais sinon, peut-être sentirez-vous, au premier, deuxième o troisième rendez-vous, ou, qui sait, après une nuit passée ensemble, qu’il est temps pour vous de poser une question plus ou moins directe, et plus ou moins innocente…
Voici mon conseil : en cas de désaccord, commencez par sourire intérieurement, par souffler et respirer. Ce n’est ni le lieu, ni le moment pour se lancer dans un de ces débats qui gâchent les repas de famille.
En revanche, c’est tout à fait le lieu, et complètement le moment, pour apprendre à mieux vous connaître mutuellement. Cherchez donc, plutôt qu’à convaincre ou vous livrer, à comprendre le raisonnement de votre peut-être futur(e) partenaire. Laissez-le ou la parler.
D’abord, par le temps qui courent, ça ne fait jamais de mal de discuter à tête reposée entre personnes n’ayant pas tout en commun. Ensuite, vous verrez quelle importance il ou elle accorde à tel ou tel sujet, si c’est, justement, une valeur intrinsèque à la personne, ou quelque chose qui ne l’occupe qu’une fois tous les cinq ans, par exemple.
Si cela repose sur du vécu, des sentiments, des lectures… Tout cela vous en dira beaucoup sur la personne elle-même et sur l’ampleur éventuelle de votre désaccord. Et donc vous aidera à savoir si celui-ci est irréconciliable ou anecdotique. Bonus : vous verrez si la personne vous accorde le même traitement et vous donne le temps, à vous aussi, de vous expliquer, de vous livrer. Et donc si vous vous comprenez, à un niveau plus fondamental. Si vous avez la même approche de la vie. Si vous vous sentez à l’aise ensemble, ou pas.
Une telle conversation pourra, d’ailleurs, plus facilement dériver vers une discussion sur des sujets plus « de couple ». Où partir en vacances ? Qu’est-ce qu’une bonne journée ? Quels sont les artistes, les stars, les penseurs, qui vous touchent ? Quelles sont vos craintes, ou vos espoirs, sur le monde qui se construit pour les générations futures ? Quelles valeurs transmettre à un enfant ? (C’est un peu tôt sans doute pour parler d’avoir des enfants ensemble… Mais ça peut être intéressant d’en savoir un peu plus sur les enfants de votre partenaire, dans l’hypothèse où il ou elle en a déjà eu d’une histoire précédente).
Conclusion
Et… voilà ! La politique est si tendue en ce moment, en France comme ailleurs, qu’on peut avoir envie de mettre la question sous le tapis… Alors qu’elle est tout à fait légitime et, une fois de plus, révélatrice d’aspects plus profonds, plus importants pour une vie de couple, d’une personne. Il s’agit, au fond, de sa façon de voir le monde, la société, la vie, l’avenir… Il n’y a pas de mal à vouloir connaître ça de quelqu’un, quand on fait une rencontre amoureuse.
Au fond, en politique comme en amour, il est important de savoir réellement vers quoi on s’engage, quand on donne une voix à son élu(e), fût-ce celui ou celle de votre cœur.
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